Vins nouveaux, ancienne mode ?



La sortie des vins nouveaux, le troisième jeudi de novembre, est un événement fort de l’année pour tout caviste qui se respecte.

Mais il est aussi un dilemme, en quelque sorte, car il demande de se positionner plutôt fermement face à ce qui pourrait être une mode « has been » ou une vraie tradition vigneronne. Si nous allons, sur ces pages, nous attarder sur le “cas” du Beaujolais nouveau, d’autres régions produisent des cuvées de cet ordre et ce depuis très longtemps. Gaillac en est un exemple fameux.

Avant tout, rappelons que la région viticole du Beaujolais s’étend sur près de 18000 hectares et 12 AOP différentes. Avec le Chardonnay en blanc et le Gamay noir en rouge, les vins élaborés sur les appellations de Beaujolais sont toutes des monocépages. L’ensemble de sa production ne saurait être réduite aux seuls vins nouveaux. On trouve sur ces terroirs des vins variés, aux caractères différents et aux identités propres.

Tous les ans, des vignerons talentueux y produisent des vins de grandes qualités dont le prestige ne cesse de croître. Découvrir et connaître les vins de Beaujolais, c’est considérer l’ensemble des cuvées qui y sont vinifiées millésime après millésime.

Pour mieux comprendre les vins nouveaux, il convient de remonter à la source de ce « concept ».

Rendons à César ce qui est à César (même s’il se murmure que nos ancêtres latins consommaient déjà des vins proches du bourru et donc des vins nouveaux), c’est bien Georges Duboeuf qui peut s’enorgueillir de la paternité de la fameuse formule : « le Beaujolais Nouveau est arrivé ! ». Au début des années 50, l’union des vignerons de Beaujolais fait le forcing et obtient l’autorisation de vendre, sous certaines conditions, leurs vins d’AOC avant la date règlementaire du 15 décembre. Grande victoire et premier jalon posé.

C’est en 1985 qu’est adoptée la date butoir du troisième jeudi de novembre, à minuit précisément. La fête bat alors son plein chez les restaurateurs, les cafetiers et les cavistes. Certains allant jusqu’à ouvrir leurs établissements toute la nuit durant. C’est l’époque faste des jus qui coulent à flot et des arômes de banane. C’est à Paris que la fête est la plus intense.

Dans les bistrots typiques et pas encore vintage de la capitale, le jus écarlate se déguste sur un coin de comptoir ou épaulant une andouillette. Depuis, l’enthousiasme autour du Beaujolais nouveau s’essouffle un peu plus tous les ans. L’euphorie des premières années est belle et bien passée. La faute, peut-être, à des cuvées devenues les caricatures d’elles-mêmes et aux étiquettes toutes plus disgracieuses les unes que les autres. Depuis quelques années, le Beaujolais est presque devenu un vilain mot qui se murmure à peine entre amateurs.

Pourtant, c’est une cuvée dont l’élaboration est complexe, technique et fragile.

Les baies récoltées doivent être en parfait état, celles abimées sont éliminées dès la cueillette. Les grappes doivent rester entières : dans les cuves, le raisin est laissé avec les rafles et les tiges ; surtout, il n’est pas « tassé ».

C’est ici que cela se complique.

Dans la partie basse de la cuve, les raisins éclatent sous le poids des fruits qui s’accumulent. La fermentation alcoolique débute naturellement. Dans le milieu de cuve, les grappes macèrent dans le jus. La pellicule des baies libère alors pigments et tanins. Dans la partie supérieure, le gaz carbonique remplace petit à petit l’oxygène. A cet endroit, la fermentation se produit à l’intérieur même des baies, c’est la fermentation intracellulaire. Elle va donner les arômes si spécifiques des vins nouveaux.

Les jus vont macérer ainsi entre 4 et 6 jours avant d’être soutirés. Par le fond de la cuve, le vigneron va extraire d’abord le jus (ou jus de tire) puis presser les raisins entiers encore présents pour obtenir le jus de presse ou « paradis » dont la composition est riche, sucrée et très aromatique. L’assemblage de ces deux jus donnera la cuvée finale.

Ce processus, fragile et exigeant, demande une récolte de toute première qualité pour qu’il se produise tout du long naturellement et sans ajouts. Le travail du vigneron et la connaissance de sa récolte sont sérieusement mis à l’épreuve pendant ce court laps de temps.

Les vins nouveaux sont donc le fruit d’une vieille tradition et d’un travail vigneron exigeant.

Considérer ces vins, en acceptant de passer outre les dérives publicitaires dont a souffert le Beaujolais, c’est respecter le travail des hommes et des femmes qui font les vins. Pour vous aider à trouver les cuvées de vins nouveaux les plus fines au milieu de celles moins intéressantes, rien de mieux que votre ami le caviste ! Chez Gegeor, nous serons toujours plein de bons conseils. Pour citer un confrère : « Si les fleuristes ont la Saint-Valentin ou la fête des mères, les cavistes ont le Beaujolais nouveau ! »

Rendez-vous donc chez Gegeor le 21 novembre pour joindre la théorie à la pratique en dégustant notre vin nouveau.

Article de Julien, caviste chez Gegeor.